Carnet de route

L'Aiguille du Goléon : une histoire de corde - La grave
Le 09/07/2016 par Marie-Lou Chanove
Juliette, Christian, Guy, Enguerrand (notre jeune mascotte) et son père
Jean-Loup se sont accordés pour un covoiturage à partir du parking du
Vénéon à Bourg d'Oisans. Au parking du Clapier, Didier l'organisateur de
la sortie nous présente ses sympathiques amis belges, Evelyne et
Jean-Luc. Un parking plus loin (au lac du Chambon), Gérard et
Marie-Lou embarquent Daniel. Et nous voilà tous en partance, par la route
de secours, à destination du dernier hameau de Valfroide. Les regards
désapprobateurs des quelques randonneurs croisés sur la piste carrossable
après Les Hières en disent long sur ce qu'ils pensent des " souleveurs"
de poussière. Il nous "emm..." Que n'ont-ils garé leurs voitures à
l'entrée du hameau !
à peine sorti de la voiture, chacun s'équipe et s'harnache de son barda.
A l'appel, piolets, bâtons, baudriers, guêtres, crampons et cordes
répondent présents. Donc pas de mauvaise surprise, demain quant à
l'indispensable matériel ! Au top départ, le groupe s'élance dans le
grand pré où abondent et s'épanouissent une variété innombrable de fleurs.
Quelques lys martagons émergent de cet océan multicolore. Les
chatouilles et gratouilles des hautes herbes sur les mollets et le haut
de cuisse ne sont que de courte durée.
Au bout de la prairie, une piste rectiligne et poussiéreuse coupe le fond
du vallon en deux, ne laissant que quelques bribes du sentier en lacets.
A priori, la production d'énergie électrique locale et responsable
impose une première phase de travaux peu respectueux de l'environnement.
Les blanches eaux tumultueuses du torrent du Maurian vibrent au creux du
vallon et masquent les discussions qui vont bon train de ceux et celles
qui ont cette propension à papoter dans la montée. Et les autres
vapotent-ils sous leur casquette ? Nous avons attaqué la montée vers 16
heures sous un soleil encore de plomb...
Quand bien même la montée n'est que de courte de durée et se fait sur un
rythme agréable, non mécontent de déposer son sac à l'arrivée au refuge
du Goléon, chacun se laisse envoûter par le paysage de carte postale que
nous offrent le massif de la Meije et ses glaciers. Des chamois en masse,
agglutinés sur un névé non loin du refuge, assurent le reste du spectacle.
Autour de verres de bière et de canettes de soda, s'engage un débat
philosophique sur qui de la sonde JUNO envoyée par la NASA vers Jupiter
ou de la sonde utilisée en angio-coronarographie est l'invention la plus
remarquable... avant d'en venir à des considérations bien plus terre à
terre : s'installer à onze et au mieux dans un dortoir, profitez d'un
bon souper mais aussi, ne pas manquer les variations jaunes orangées des
dernières lueurs du soleil sur Les Ecrins. D'un commun accord, le réveil
est programmé pour 5h30.
Au petit déjeuner, certains s'interrogent déjà de bon matin. Quels sont
les deux ronfleurs de service qui ont momentanément suspendu nos
paisibles rêves au cours de cette douce nuit d'été ? Nous ne les
dénoncerons pas ... Les petites lueurs chancelantes des bougies installées
sur la table ne les trahissent pas davantage, pour peu que, sentis visés,
ils aient piqué un fard.
Sans réponse sur cette première question primordiale de la journée, nous
partons d'un pas allègre vers l'objectif de la journée, : l'Aiguille du
Goléon qui culmine à 3427 m, le premier 3000 pour notre jeune mascotte.
Le temps s'annonce splendide et personne ne peut résister à une première
halte au bout du lac du Goléon pour contempler ou photographier les
reflets de la Meije parée d'or, reflets quelque peu zébrés en raison d'une
fraîche brise matinale. Plus loin, au replat d'Amon, l'ardeur du torrent
n'a pas effacé les inscriptions en pierres qui le jouxtent ; le refuge
Carraud se dresse, immuable au bord du sentier. Puis l'écrin de verdure
cède la place aux éboulis et aux premiers névés qui se franchissent sans
difficulté, la neige ramollie ne nécessitant pas de chausser les crampons.
Au pied du cirque du glacier Lombard, le petit groupe qui a pris les
devants se pose sur une langue de terre d'où émergent quelques blocs et
cailloux, en attendant que le reste de la troupe les rejoigne, un moment
propice pour échanger quelques impressions sur l’ambiance sauvage et
minéral que dégage l’univers grandiose des aiguilles (du Goléon et de
la Saussaz) qui nous entoure, observer et immortaliser quelques coussinets
de myosotis nain et d'androsaces des Alpes, échanger fruits secs et
autres gourmandises, quitter une couche de vêtement et se protéger
des UV's à haute dose de crème solaire, généreusement distribuée par
Christian. Aurait-il confondu le tube avec un pot de peinture (cf. le
récit " coup de balais au Promontoire") dont il faut absolument se
débarrasser pour s'alléger avant d'attaquer un profil plus soutenu ?
Une fois tout le monde paré et prêt, il ne reste plus qu'à décider :
crampons ou non ? Encordement ou non ? De l'avis général, l'aspect
débonnaire du glacier et les excellentes conditions de terrain nous
autorisent à poursuivre notre itinéraire sans nous encombrer de crampons et cordes. Pour pimenter la sortie, Guy oblique à gauche pour attaquer l'arête plus haut, tandis que le reste du groupe poursuit tout droit pour prendre l'arête à la brêche sous le Bec du Grenier. Didier encorde Enguerrand avant de commencer l'ascension, puis le groupe s'égrène progressivement en direction du sommet. Le sentier qui se faufile légèrement en contrebas de l'arête, se transforme progressivement en gros blocs qui tantôt se contourne en terrain schisteux ou tantôt s'escalade. A l'approche du sommet la voie se redresse et devient plus aérienne. Tout le monde se rassemble au sommet et congratule chaleureusement Enguerrand à son arrivée. Nous prenons le temps d'admirer le splendide panorama. Les Agneaux, le Pic Gaspard, la Meije, le Rateau se détachent avec majesté, le plateau d'Emparis arbore son vert estival, les Rousses et Belledonne pointent leurs sommets immaculés, les Aiguilles d'Arve sont juste là . Nous regrettons que quelques nuages insolents nous confisquent la vue sur la Vanoise et le Mont Blanc. Dommage ; le 360 que nous promettait le ciel parfaitement dégagé au petit matin sera pour une autre fois.
La descente s'effectue par le même itinéraire et aucun d'entre nous ne
résiste à la tentation de prendre pied sur le glacier dès que possible.
Chacun y va de son style pour dévaler la pente : à la ramasse, à
grandes enjambées ou en luge sur les fesses, ... Nous nous rassemblons
sur un névé au pied du glacier, à proximité de la cascade pour quitter
gants, veste, etc ... nous rafraîchir et nous alimenter. Didier en profite
pour rendre sa corde à Evelyne qui, d'un côté s'est transformée en
corde française (comprenons parfaitement bien lovée) et qui, à l'autre
bout s'apparente à un gros tas de longues frites... Hum des bonnes frites
, chacun en rêve sans l'avouer... Surtout ceux et celles qui ont laissé
leurs casse-croûte au refuge ! Et voilà que fuse non pas le mot de
Jean-Luc mais celui d'Evelyne : "je te la reprêterai ma corde ...!».
Puis on en vient à l'inventaire des cordes : 4 cordes ont fait le
voyage depuis le parking alors que 3 suffisaient. Cela ne pose aucun
problème à Christian. Transporter une corde sur son sac est toujours
moins lourd qu'un pot de peinture !
Passés les derniers névés, éboulis de blocs, vallon herbeux, lac, nous
voilà de retour au refuge pour un petit moment de détente, nous
restaurer et ramasser les quelques affaires laissés sur place, avant de
reprendre le sentier jusqu'au parking du Pré Rond où nous prenons congé
les uns des autres. Une dernière chose inquiète Didier et ses amis :
la jauge à carburant de leur véhicule est à son plus bas niveau et il
n'est pas certain qu'ils puissent rallier la station service de la Grave. Les occupants des deux voitures suiveuses n'ont finalement pas eu à les dépanner et ont pu, en guise d'au revoir, se contenter d'un petit coup de klaxon à la sortie de la Grave.
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